JOURNAL DE BORD D'UNE CREATION

# 1 ENTRETIEN AVEC JACQUES VINCEY ET VANASAY KHAMPHOMMALA

 

mardi 24 mars 2015 

 

 

Pourquoi avoir choisi ce texte, Und, de Howard Barker ?

 

Jacques Vincey : C’est un texte qui n’a jamais été monté en France, une nouvelle traduction que l’on doit à Vanasay. Ce qui m’intéresse avant tout dans ce texte est qu’il propose  de multiples strates d’interprétation et de compréhension. L’intrigue pourrait se résumer en une phrase très simple : une femme attend un homme. Cette trame épurée comporte un suspens : l’homme va-t-il arriver ou non ? Mais on voit très vite affleurer d’autres questions qui prolongent et enrichissent cette situation de départ: cet homme est-il son amant, est-il son bourreau ? Attend-elle l’amour ou est-ce la mort qui va arriver ? La force du texte se révèle progressivement dans les registres traversés par cette femme : du sublime au trivial, du lyrique au  prosaïque. Elle se débat avec ses désirs et ses peurs mais sa quête singulière s’inscrit dans une histoire universellement partagée : ce à quoi on se confronte au bout du chemin. Comment on réagit à ça ? Comment on lutte ou comment on s’abandonne ?

 

Vanasay Khamphommala : Au-delà du plaisir de partager cette histoire intemporelle qui concerne chacun dans son intimité singulière, il y a aussi le plaisir de faire découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux textes. Barker est un auteur très important de la littérature anglaise contemporaine : certains disent de lui que c’est le Shakespeare du XXème siècle, mais on laissera le public juge de cette comparaison…

 

Vanasay, quel est ton rapport personnel à ce texte que tu as traduit ?

 

VK : Jacques dit souvent qu’il monte les textes parce qu’il ne les comprend pas, et moi je les traduis pour les mêmes raisons… Bien sûr la compréhension est un nécessaire préalable, mais dans les textes de Barker je sens une matière qui me fascine, qui est sans fond puisqu’il s’agit de se rapprocher le plus possible de la confrontation avec la mort. Alors l’humeur du jour n’est pas toujours à la tragédie, d’ailleurs Barker le dit lui-même : pourquoi se confronter à une tragédie au théâtre alors que la vie est déjà bien assez difficile ? On peut apporter la réponse suivante : la tragédie proposée par le théâtre, à la différence de celle de la vie, donne beaucoup plus de sens, elle permet une approche plus méditative, plus sereine et finalement probablement plus intense.

 

Und est un monologue : en quoi cette forme vous intéresse-t-elle ? En quoi est-ce un défi ?

 

JV : On parle toujours à quelqu’un, même quand on se parle à soi-même, mais au théâtre, la question de l’adresse prend un sens tout particulier, notamment dans le rapport au public. Par ailleurs, même dans la vie courante, le fait d’être seul à parler engendre une parole différente. En l’occurrence, cette femme dit tout, elle dit ce qu’elle ne dirait pas d’emblée à quelqu’un d’autre. Pourtant il faut qu’elle soit reliée, il faut qu’on entende ce ressassement, ces fulgurances qui remontent. Les mots construisent des idées mais aussi des émotions : les mots sont du sens mais aussi du son. On est donc dans une appréhension à la fois intellectuelle et musicale : la musicalité de ce qu’on ne comprend pas forcément nous traverse, nous bouscule, et fait bouger nos lignes intérieures.

 

VK : Avant d’être une forme théâtrale, le monologue - le fait de se parler à soi-même ou à quelqu’un qui n’est pas clairement identifié - est avant tout un phénomène bizarre. L’une des choses qui me plaît dans ce texte est qu’il fait ressortir toute l’étrangeté de cet acte dans ce qu’il a d’inquiétant mais aussi d’assez drôle. C’est un texte qui navigue à travers un nombre assez impressionnant de couleurs, d’émotions. C’est un monologue pour femme schizophrène : comme elle est plusieurs dans sa tête, ce n’est pas vraiment un monologue… Par ailleurs, Jacques parlait de la dimension musicale, et sur le plateau, cela prendra la forme d’un dialogue entre musique et texte.

 

Pourquoi  avoir choisi, pour incarner cette femme, la chanteuse Natalie Dessay, dont c’est le premier rôle au théâtre ?

 

JV : C’est le résultat, comme toujours, d’un cheminement. Natalie Dessay représente assez bien le titre de cette pièce, Und, qui en allemand veut dire « et » : Natalie Dessay est chanteuse ET actrice. On a vu combien c’était une interprète lyrique qui avait des capacités dramatiques extraordinaires. Là, elle fait le pas, elle devient actrice, mais une actrice qui va jouer avec tout son bagage de chanteuse lyrique, toutes ces héroïnes qu’elle a chantées vont ressortir dans ce texte qui sera parlé - elle ne chantera a priori pas. Elle a une capacité à jouer des mots d’une manière musicale, et dans cette écriture, c’est extrêmement important de faire entendre le son, le rythme, la couleur, la texture d’une voix. Vanasay disait que c’est un dialogue, et c’est vrai que, très vite j’ai eu l’intuition que ce monologue devait être partagé avec un partenaire. Alexandre Meyer jouera de la guitare électrique en direct sur le plateau. Il composera une partition musicale en écho à la partition verbale portée par Natalie Dessay.

 

VK : C’est vrai que Barker insiste beaucoup sur la dimension musicale de son écriture, c’est notamment quelqu’un qui travaille beaucoup sur le rythme. Non seulement Natalie Dessay a cette musicalité en elle, mais en plus elle a le désir d’expérimenter de nouvelles formes musicales. La découverte de Natalie Dessay dans sa dimension de musicienne de la parole sera une première pour le spectateur. Son désir très fort de porter ce texte reflète bien son côté « tête brulée » : c’est quelqu’un qui est à la recherche de nouveaux horizons artistiques. Et  cela rejoint le texte qui se propose d’explorer de nouveaux paysages tragiques. Il y a une dimension d’expérimentation importante dans ce projet, qui relève du plaisir de pénétrer ensemble des territoires artistiques inconnus.

 

Avec Alexandre Meyer, on va retrouver au générique de Und plusieurs artistes avec lesquels vous avez déjà travaillé. Cette notion de fidélité artistique est-elle importante pour vous ?

 

JV : Oui, elle est importante : Alexandre Meyer a participé à tous mes spectacles depuis le début, Marie-Christine Soma, qui fait la lumière, Matthieu Lorry-Dupuy, qui fait la scénographie, sont aussi des partenaires de très longue date. Chaque spectacle doit être à la fois un chemin sur lequel on avance, mais aussi quelque chose qu’on doit réinventer, un défi, un risque. En l’occurrence, avec Und, il y a vraiment des questions auxquelles on doit répondre et auxquelles on n’a jamais été confronté. On est à la fois dans la solidité d’un parcours commun, et dans le saut dans le vide : qu’est-ce qu’on fait avec ce texte, comment on le fait entendre, comment on le fait sonner ? 

 

Comment pourriez-vous caractériser l’écriture de Barker ?

 

JV : Ce qui à la fois m’intéresse et parfois m’irrite dans cette écriture c’est qu’elle est multiforme et qu’elle se balade dans des registres très différents. Si je dis que cela peut-être irritant, c’est parce  qu’on aurait envie que cela soit plus cadré, plus simple, et en même temps c’est ce qui fait toute sa richesse, on est jamais exactement là où on s’attend à être, on est tout le temps déstabilisé, et donc emmené vers de l’inconnu, vers de l’inédit, de l’inouï.

 

VK : Le plaisir de Barker c’est d’être en territoire inconnu et d’avoir tous les sens aux aguets parce qu’on ne sait pas trop où on est. Il y a une acuité de la sensibilité qui laisse place à des sentiments, des émotions très diversifiés. C’est quelqu’un qui parle beaucoup des dimensions oniriques de son écriture mais, comme un rêve, ses textes sont très concrets, les sensations sont extrêmement fortes, c’est une écriture qui s’appuie sur des images très impressionnantes et très concrètes. Barker a pour parler de sa langue une jolie image, il dit que le personnage tragique c’est comme un personnage perdu au milieu d’un pays étranger et qui hurle pour se faire comprendre. Je suis très sensible à quelque chose qui oscille entre une forme d’humour -parfois désespéré- et un abandon au lyrisme dont toutes les écritures contemporaines ne sont pas toujours capables. Il y a aussi une beauté de la poésie, une beauté de la langue, quelque chose qui se développe presque comme des arias, et qui a beaucoup contribué à l’attrait que j’ai eu et que Natalie a pu avoir pour ce texte.

 

JV : Dans cette écriture qui s’autorise tout - mais pour autant pas n’importe quoi - il y a une liberté jubilatoire et des collisions de registres qui provoquent l’émotion, ou le rire.

 

VK : Un texte fondateur de la culture anglaise après le XIXème c’est Alice au pays des merveilles et pour nous c’est un peu « Natalie au pays des cauchemars » : Barker n’est pas anglais pour rien, il y a un rapport à l’onirique qui est très concret. Ce qui est beau dans le texte de Lewis Caroll comme dans celui de Barker, c’est cette appréhension extrêmement réaliste de l’irréel.

 

Où en êtes-vous dans le processus de création ?

 

JV : C’est un projet qui s’est construit d’une manière un peu particulière dans la mesure où il a suivi un processus est très long. On a commencé à répéter il y a près d’un an -quand je suis arrivé au théâtre Olympia- sur de très courtes périodes : nous nous voyions avec Natalie, Vanasay et Alexandre Meyer sur deux, trois jours pour une petite étape de travail, puis chacun repartait à ses activités jusqu’au prochain rendez-vous, deux ou trois mois après. Donc c’est un processus par petites étapes qui s’élargissent à l’approche de la création. La dernière étape en date concernait la scénographie : la maquette est faite, reste à construire le décor. Enfin, à partir de début mai, on s’enferme dans la salle de répétition et sur le plateau pour, le 26 mai, offrir ce spectacle au public.

 

VK : Effectivement ce mode de création a été très particulier, mais il me semble parfaitement adéquat à ce projet parce que, encore une fois, Barker est anglais, et les Anglais, ça aime le thé, et le thé, ça infuse… Et il se trouve que ce projet avait besoin d’une forme d’infusion parce que c’est une écriture qui n’est pas immédiate, qui pénètre un peu les strates profondes de la conscience. D’ailleurs, sur la scénographie c’est quelque chose sur quoi on a cherché à travailler, qu’il y ait une forme de suggestion, d’infusion qui ne soit pas immédiate, mais qui puisse laisser un goût en bouche un peu plus long. 

 

Toute dernière question, un peu provocatrice, il est dit de l’œuvre de Barker qu’elle est difficile, qu’est-ce que vous répondez à cette affirmation ?

 

JV : Oui. C’est un auteur difficile dans le sens où c’est un auteur exigeant, c’est un artiste - parce que c’est aussi quelqu’un qui peint, qui fait de la photographie -, qui va au bout de ce qu’il sent être le plus important pour lui, sans pour autant se soucier de la reconnaissance que ça va lui apporter. C’est-à-dire qu’il y a une radicalité dans son engagement d’artiste qui est nécessairement difficile, mais qui est aussi toute sa force et sa puissance. On le sait, l’histoire de l’art nous donne beaucoup d’exemples d’artistes qui ont eu une reconnaissance tardive parce qu’ils étaient un peu trop en avance, un peu trop dérangeants à l’époque où ils écrivaient, où ils peignaient. Je pense que Barker fait partie de ces artistes-là.

 

VK : Je dirais que Barker est difficile parce que les questions qu’il aborde sont des questions difficiles. Mais c’est un auteur qui cherche à construire un œuvre monde avec ce qu’elle peut avoir de proliférant. En revanche, c’est aussi une œuvre qui offre un abord assez immédiat. Il y a quelque chose dans son œuvre qui me fait penser à de la peinture, où à une cathédrale : une cathédrale c’est quelque chose d’architecturalement, d’artistiquement très compliqué, mais quand on est à l’intérieur, on décode des sensations. Il y a quelque chose qui est de cet ordre-là dans les paysages de Barker : on se plonge dans un univers qui a une force esthétique très grande, qui est assez fascinant. On ne comprend pas tout mais où on se laisse pénétrer par les vibrations de sens. C’est une œuvre vraiment très sensorielle, et à mon avis elle est d’autant plus compliquée que, souvent, on ne la prend pas par le bon sens.

 

JV : Il faut parfois savoir se laisser emporter par les sens, pour pouvoir saisir le sens ! 

 

 

 

# 2 ENTRETIEN AVEC MATHIEU LORRY-DUPUY 

 

 

scénographe

 

MARDI 14 AVRIL 2015

 

Comment définirais-tu le travail du scénographe ?

 

Le travail du scénographe consiste, en collaboration avec le metteur en scène et l’équipe artistique, à imaginer un dispositif visuel sur le plateau. Le travail avec le metteur en scène commence assez tôt : en général plus d’un an avant la création. Dans le cas de Und, Jacques Vincey a d’abord travaillé avec Vanasay, ensuite nous avons beaucoup travaillé à trois, la scénographie et la dramaturgie se sont développées conjointement.

J’utilise des maquettes, des dessins, des logiciels de 3D qui permettent de donner la meilleure image possible de ce que cela donnera sur la scène. D’un projet à un autre ce dispositif ressemble plus à un décor au sens traditionnel du mot, comme pour Yvonne, princesse de Bourgogne, ou à une installation plastique plus légère qui joue comme une métaphore, comme pour Und.

 

Quel a été ton parcours, notamment en collaboration avec Jacques Vincey ?

 

J’ai fait une école d’art appliqué, l’École Nationale des Arts Décoratifs, avec une spécialisation en scénographie, puis j’ai travaillé pendant un an comme assistant au festival d’Aix-en-Provence, avant de  commencer à vraiment faire de la scénographie. J’ai débuté ma collaboration avec Jacques lors de sa création du  Banquet à la Comédie Française, cela fait six ans, et Und est notre septième collaboration. Il y a une belle fidélité avec Jacques : lorsque je l’ai rencontré, j’étais assez jeune dans le travail, et sa volonté de se réinventer a participé à la maturation de mon propre travail. Cette saison, par exemple, la scénographie de Yvonne, princesse de Bourgogne était plus concrète, plus réaliste, permettait plus d’interactions avec les comédiens que les projets précédents, plus abstraits. Jacques a envie de toucher à plein de formes théâtrales différentes, ce que j’apprécie vraiment car cela me permet à mon tour de développer de nouveaux univers.

 

Comment avez-vous abordé le travail autour de Und ?

 

Pour certains projets, Jacques avait tout de suite une image en tête, pour d’autres il n’en avait aucune : il n’y a pas de plan préétabli en dehors d’un calendrier à respecter. À chaque fois, Jacques me donne le texte à lire, on commence à en parler ensemble, puis avec Vanasay, et petit à petit, on évoque des références, on partage un champ d’images très large allant d’illustrations de magazines à des installations d’artistes contemporains, et enfin on essaie d’imaginer le texte mis en scène dans des espaces très variés. Je propose ensuite quatre ou cinq dispositifs différents, en 3D, que l’on observe attentivement en analysant ce que chacun d’entre eux fait raisonner du texte. Pour Und, j’ai fait des propositions très éloignées les unes des autres : le choix final se fait en fonction de ce que le dispositif révèle du texte, du potentiel d’investissement de l’espace par la mise en scène.  L’étape suivante se fait en lien avec le directeur technique, Laurent Choquet : il s’agit d’évaluer au plus tôt la faisabilité technique et logistique, d’affronter le plus en amont possible les défis qui ne manquent jamais de se présenter.

 

Sans trop en dévoiler, peux-tu parler de la scénographie de Und ?

 

En en parlant et en comparant mes différentes propositions, qui allaient d’espaces très réalistes à des espaces très abstraits, nous nous sommes aperçus qu’un matériau qui puisse se transformer, avoir une évolution, voire disparaitre, fonctionnerait bien comme métaphore. Nous cherchions également un matériau qui puisse exercer une certaine fascination, qui soit étrange, qu’on ait peu l’habitude de voir au théâtre: notre choix s’est porté sur la glace. L’espace se crée également en fonction des contraintes que l’on se donne. Pour Und, il y a une idée  de danger ; nous avons donc pensé à un lustre qui suspend ses couperets au-dessus du personnage dans un équilibre très fragile. Par ailleurs, bien qu’on ne sache jamais si ce dont parle le personnage est fantasmé, rêvé, ou fait partie du passé, le texte traite de la mémoire : on comprend, petit à petit qu’elle est dans un endroit assez étrange qui a un rapport avec la mort, et avec la Shoah.  C’est un sujet qui requiert beaucoup de délicatesse : ces multiples suspensions qui évoquent le lustre, combinées avec l’utilisation de la glace, manifestent avec sensibilité la fragilité de la présence d’une foule de personnes disparues. Und, le personnage incarné par Natalie Dessay, sera au centre de la scène, point d’accroche du spectacle, présence vivante cernée par la mort.

 

Quels ont été les défis rencontrés au cours du projet ?

 

D’abord nous ne savions pas s’il était réalisable ou pas. En premier lieu, il a donc fallu trouver de la glace, j’ai discuté avec des fournisseurs, je me suis rendu dans une usine, j’ai rencontré des sculpteurs spécialisés pour comprendre dans quelles conditions, à quelle température le travail de ce matériau pouvait s’effectuer. Les sculpteurs travaillent sur des blocs de glace transparente de 1m x 50cm x 28cm pesant 120 kg, et notre travail doit se faire dans les limites des contraintes imposées par ces blocs standards. De multiples paramètres doivent être pris en compte : le découpage, le transport, la conservation… A la fin, ça ne semblera pas très compliqué, mais au début, il y a beaucoup d’inconnues. C’est beaucoup de travail pour tout le monde, mais c’est très intéressant de travailler dans un processus d’expérimentation, de parfaite nouveauté.

 

 

         

 

 

 

# 3 ENTRETIEN AVEC ALEXANDRE MEYER

 

compositeur

 

Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’as amené à composer pour le théâtre ? 

 

J’ai commencé à jouer dans des groupes, puis pour des spectacles, toujours avec des groupes, et, de fil en aiguille, j’ai rencontré des gens du monde du théâtre et de la danse avec lesquels des parcours communs très suivis se sont petits à petit dessinés. Certaines collaborations sont très anciennes, avec Jacques Vincey par exemple, ou bien avec Frédéric Minière, qui m’accompagnait pour Yvonne, princesse de Bourgogne. Il me semble important de mélanger les genres, de ne pas être uniquement musicien, de favoriser les échanges avec les autres disciplines. Aujourd’hui le travail pour le théâtre est ce qui me prend le plus de temps, mais la collaboration avec des metteurs en scène nourrit mon travail personnel et je continue à faire des choses pour moi.

 

Comment as-tu abordé le travail autour de Und, dont Jacques Vincey et Vanasay Khamphommala ont souligné la dimension musicale ?

 

J’ai lu le texte et, immédiatement après, Jacques et moi avons commencé à travailler, sans contraintes ou indications particulières, dans un dialogue constant destiné faire avancer ensemble la relation entre le texte et la musique.  Effectivement, l’écriture est en elle-même très musicale : il y a des indications sonores, dans la ponctuation notamment, le texte fonctionne sur un principe de répétitions, de variations, et certains passages peuvent s’apparenter à des thèmes. Cependant, ce qui m’influence plus encore que le texte lui-même, c’est la manière qu’a Natalie Dessay de se l’approprier, puisque c’est aussi dans le jeu du comédien que se révèle la dimension rythmique et musicale d’une œuvre. Mais le travail est en cours, et la musique n’est pas encore entièrement écrite…

 

Tu composes la musique de Und et tu seras également sur le plateau…

 

Ce n’est pas nouveau pour moi, je suis souvent sur le plateau avec les comédiens. La présence sur scène est quelque chose qui me tient à cœur depuis que je travaille pour le théâtre et la danse. C’est une manière d’accompagner le spectacle jusqu’au bout, tout en gardant la souplesse, la possibilité de changer un peu tous les soirs, de s’adapter au mieux au jeu des comédiens. À l’intérieur de la trame composée, j’aime profiter de la liberté que m’offre la présence sur le plateau : d’ailleurs, l’écriture musicale n’est pas la même si elle est destinée à être jouée en direct, puisque je sais que rien ne sera figé, que tout restera ouvert. Pour Jacques Vincey, comme pour moi, la musique doit être vivante, qu’elle soit enregistrée, comme pour Yvonne, princesse de Bourgogne, ou jouée en direct sur le plateau, comme pour Und, où tout se passe dans l’accompagnement, le dialogue, et l’échange.

 

DISTRIBUTION :

 

NATALIE DESSAY 

 

Née à Lyon en 1965, Natalie Dessay intègre l’École d’art lyrique de l’Opéra de Paris en 1989. En 1992, elle triomphe à l’Opéra Bastille pour ses débuts en Olympia des Contes d’Hoffmann. Un an plus tard, elle fait ses premiers pas au Staatsoper de Vienne, dont elle intègre la troupe pour une saison. Ses débuts en Reine de la Nuit, dans Die Zauberflöte au Festival d’Aix-en-Provence, en 1994, parachèvent son ascension.

 

Dans les années qui suivent, en plus d’Olympia (premiers pas à la Scala de Milan, en 1995) et la Reine de la Nuit (débuts au Festival de Salzbourg, en 1997), elle se fait une spécialité d’autres emplois de soprano virtuose : Zerbinetta dans Ariadne auf Naxos,Lakmé, Ophélie dans Hamlet, Amina dans La sonnambula, Lucia di Lammermoor… tout en veillant à laisser une place au répertoire bouffe (Eurydice dans Orphée aux Enfers).

 

Dans les années 2000, renonçant à Olympia et la Reine de la Nuit, Natalie Dessay entreprend d’élargir son horizon, en abordant des héroïnes où l’aspect virtuose compte moins que l’intensité dramatique (Manon, Violetta dans La Traviata, Cleopatra dans Giulio Cesare), voire en est complètement absent (Pamina dans Die Zauberflöte, Mélisande). Parallèlement, elle ne perd pas de vue la comédie et ajoute Marie de La Fille du régiment à son répertoire, rôle dans lequel elle triomphe à Londres, Vienne, New York et Paris.

 

Ces quatre dernières années, l’élargissement de l’horizon a pris la forme de concerts avec Michel Legrand, avec Agnès Jaoui, Helena Noguerra et Liat Cohen, de récitals de mélodies avec le pianiste Philippe Cassard.

 

 

ALEXANDRE MEYER 

 

Né en 1962, Alexandre Meyer est compositeur et interprète (guitare). Il a été membre de divers groupes depuis 1982 : Loupideloupe, Les Trois 8, Sentimental Trois 8. 
 

Pour le théâtre, il a créé et interprété les musiques et/ou les bandes son pour des mises en scène de Maurice Bénichou, Robert Cantarella, Pascal Rambert, Patrick Bouchain, Michel Deutsch, Heiner Goebbels, Jacques Vincey, Philippe Minyana et Jean-Paul Delore. 
 

Pour la danse, il a travaillé avec Odile Duboc, Mathilde Monnier, Julie Nioche, Rachid Ouramdane. Il a réalisé des bandes son accompagnant des manifestations d’art contemporain avec Daniel Buren notamment. 
 

Il travaille aussi avec la conteuse Muriel Bloch. Il compose des musiques de films et des pièces radiophoniques pour France-Culture avec Blandine Masson et Jacques Taroni
 

Il collabore avec Julie Nioche pour toutes les pièces qu’elle initie depuis 2004.