La vie du T°

PAROLES DE SPECTATEURS #3

Nous souhaitons donner la parole aux spectateurs. 
Nous leur avons demandé de nous raconter leur amour du théâtre, leur première fois, leurs souvenirs, leurs émotions…

J’AIME LE THÉÂTRE PAR JEAN-MARIE LARDEAU

Allez, disons 14 ans
Peut-être. Allez donc savoir 65 ans plus tard !
Disons quand même 14 ans, il faut bien commencer par quelque chose.
Donc 14 ans.
Un professeur de français, Monsieur B. grosses lunettes et grand cœur qui donne le goût de la lecture.
Le théâtre alors, pour moi, c’est le livre, le petit classique que je viens régulièrement acheter dans la grande librairie arcachonnaise, avenue Gambetta, et que je choisis un peu au hasard, n’osant solliciter Monsieur B pour des conseils personnalisés..
Des critères de choix assez particuliers. La couverture couleur grise et rouge des éditions Hatier, si ma mémoire est bonne, plus attirante que la couverture violette des éditions Larousse, si ma mémoire ne me trompe pas.
Et c’est parti pour la lecture de Molière, Racine, Corneille, Musset, Vigny – parmi tous ces livres, je revois, qui me dira pourquoi, Chatterton, couverture grise et rouge.
Je ne l’ai pas relu depuis. Aucun souvenir.
Quand j’entre dans une salle de spectacle, c’est plutôt pour la musique. Toute une bande de lycéens prenant le bus pour aller aux concerts des Jeunesses Musicales de France à Bordeaux. Comme est belle la musique, Et comme est belle l’étudiante blonde que j’y admire à chaque séance et qui fait rêver, de loin, l’ado timide que je suis. 
Pas de théâtre vivant si ce n’est quelques matinées classiques dont je n’ai pas gardé un souvenir inoubliable. Un seul souvenir inoublié : Un La Flèche jouant en boîtant ce « chien de boîteux là ».. Ah, c’est donc ça…

18 ans
Etudiant à Bordeaux.
Je prends rapidement des responsabilités dans une association étudiante. Cela m’amène à prendre la parole devant des publics nombreux. Je fais un stage de formation dirigé par un comédien pour essayer de mieux maîtriser. Je trouve ça très intéressant. C’est sans doute mon premier rapport au théâtre.
Le premier spectacle de ma vie étudiante ? Bien longtemps après. Le Cavalier seul d’Audiberti. Marcel Maréchal. On peut trouver pire pour commencer une longue carrière de spectateur de théâtre. Qui m’y a fait venir ? Probablement un ami étudiant. J’ai bien aimé. Mais la révélation doit encore attendre.
A cette occasion, ou à une autre, allez savoir, nous allons voir mon ami Pierre et moi un metteur en scène qui vient d’arriver à Bordeaux. Il nous regarde, nous dit être un spécialiste de la physiognomonie, me dit : Vous, vous ne ferez jamais de théâtre. Vous aurez trop peur d’être ridicule ». Il se tourne vers Pierre :  » Vous, en revanche, vous êtes fait pour faire du théâtre ». Pierre est devenu directeur commercial d’un grand groupe pharmaceutique. 

Plus tard
Fin de mes études de chimie. CAPES de sciences physiques. Un an d’enseignement à Versailles .
Puis service non-militaire dans l’enseignement à Yaoundé. Un peu d’attention SPV, c’est là que se noue l’intrigue.
Je croise, entre un cours et un match de volley, un coopérant animateur au service culturel de l’Ambassade de France. Me regarde. M’aborde. 
– Vous faites du théâtre ?   
– Dame non, mon bon Monsieur.
– Je monte En attendant Godot. Personne pour jouer Lucky, vous avez le physique. 
– Pourquoi pas, je veux bien essayer.
Je n’ai alors pas lu Beckett. Mais mon professeur de philo – flash-back vers Arcachon – nous avait beaucoup parlé de l’attente de God-ot qui ne vient jamais.
Long, très long travail de mémorisation du monologue. Répétitions. Première – et seule représentation. Estragon – le metteur en scène lui même – me coupe au milieu du monologue. Trop long, Beckett. Fâché Lardeau. Parce qu’il l’avait bossé, son texte. Essayez pour voir… ici

L’année suivante. Nouveau coopérant culturel, celui-là vous le connaissez peut-être. Jean-Claude Amyl. Deux créations Les merveilleux nuages (Baudelaire, vous l’aurez deviné !) et Les Méfaits du tabac.
« A travers ces lèvres nouvelles,plus éclatantes et plus belles, t’infuser mon venin, ma sœur ! » dis-je à un moment  avec un regard appuyé vers le 5ème rang côté cour (précision non garantie). Fin du spectacle. Salut. La lumière se rallume. Au 5ème rang, côté cour les élèves du Collège de la Retraite rassemblés autour de Sœur Marie de l’Incarnation (le nom a, peut-être, été changé) qui n’a pas l’air de vraiment m’en vouloir de cette apostrophe malheureuse.

Léa Toto ne m’a accordé qu’un recto-verso. Pas grave, l’essentiel est déjà joué.

Retour en France. Quelques spectacles qui achèvent de faire basculer ma vie : 1789, La Dispute de Marivaux-Chéreau, Le Regard du Sourd et tant d’autres.
Les années d’animation d’un club-théâtre au Lycée Grandmont.
L’engagement militant aux côtés d’André Cellier lors de son conflit avec la Mairie de Tours.
Le club-théâtre devient Atelier-théâtre. Partenariat avec le Théâtre de l’Ante.
Le basculement de l’Atelier vers l’option A3. Partenariat avec  le Théâtre de l’Ante puis le CDRT.
Des dizaines de spectacles d’élèves. Et nous amenons nos élèves  voir une dizaine de spectacles par an, à Tours, à Paris… On compte nos élèves : 1, 2, 3, 4…..5 ,6….7, 8, 9… 10, 11, 12, 13…..14…       15. Il en manque un… Qui est-ce qui manque ? Ah, c’est Patrick, bien sûr ! toujours en retard*… 
* Le prénom a été changé, et la réalité embellie. Il n’y avait que rarement un seul retardataire.

Et quand nous n’amenons pas nos élèves, la découverte, avec Anne-Marie (pour ceux qui ne me connaissent pas, c’est la femme de ma vie), des spectacles créés ou invités par notre CDRT pas encore CDNT. Là, permettez-moi de ne citer aucun spectacle en particulier, ce serait injuste pour tant d’autres.

Des années de pur bonheur de spectateur et de pédagogue.

La retraite. La création de ma compagnie Le Théâtre du Nuage distrait.
Des ateliers de formation, des créations, un engagement passionné avec le Printemps des Poètes.
Mais ceci est un autre histoire et ce papier n’est ni un CV ni une promotion du Nuage distrait.

Et toujours l’addiction pour ce que propose l’Olympia (Nouvel O ou Théâtre O…). Merci à eux…
Là encore, permettez-moi de ne citer aucun spectacle en particulier, ce serait injuste pour tant d’autres.

Léa, tu es frustrante avec ton recto-verso… Tellement de choses à dire…

Par exemple sur l’extraordinaire bonheur d’éveiller chez jeunes filles et jeunes gens la passion du théâtre qui fait briller les yeux.

Mais il est vrai que là, ce n’est pas un recto-verso qu’il me faudrait , c’est une ramette entière de papier, du temps et l’énergie de m’attaquer à ce « vide papier que la blancheur défend ».

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